Paliers de paiements lissés contre l’énorme gain qui fait rêver. La question de la répartition des gains en tournoi de poker fait débat.
Prizepool des tournois de poker: le dilemne
La structure de répartition des gains lors d’un tournoi de poker fait débat depuis des années. Plusieurs questions reviennent régulièrement sur la… table de poker. Lesquelles?
- Quelle pourcentage des participants à un tournoi doit rentrer dans l’argent?
- Paliers de paiement lissés contre l’énorme gain qui fait rêver
Bien sûr, il existe de nombreuses autres questions, mais il est vrai que ces questions sont récurrentes. J’avoue me poser les mêmes questions depuis quelques années. J’ai pris le temps d’en parler à des joueurs, ainsi qu’à des organisateurs. J’ai également réalisé un premier sondage sur la page Facebook de JoueurDePoker. Tout cela m’a aidé à consolider ma position.
La situation aujourd’hui
En général, la situation diffère d’un pays à l’autre. Au gré des mentalités? On va prendre en exemple l’event #68 des derniers WSOP. Le fameux Main Event avec un droit d’entrée à 10’000$ qui a vu Qui Nguyen, plus ou moins un nobody, disposer des 6736 autres participants et remporter la somme folle de 8’005’310$. Oui, ça fait rêver, je vous l’accorde. 1011 participants ont été dans l’argent, soit 15% du field. Cependant les paliers sont énormes. Le Main Event des WSOP n’étant pas forcément la norme aux USA, avec cette volonté depuis quelques années de garantir un gros chèque au vainqueur.
En Italie, les organisateurs ont tendance à offrir un énorme chèque au premier et payer environ 7% des participants. Il y a eu 3’310 entrants au Main Event de l’Italian Poker Open 22 pour un buy-in à €550. Simone Speranza est reparti plus riche de… €310’000! Plus de 600 fois sa mise. En revanche seuls 240 joueurs ont été dans l’argent, soit 7,25% du field. Gloups. Le 10e de ce tournoi, Massimiliano Bertolazzi, a remporté « seulement » €12’000, tandis que le vainqueur a remporté 25 fois plus. L’écart est quand même gigantesque. Cependant, le 240e a triplé sa mise initiale (€1’550).
Quelle pourcentage des participants à un tournoi doit rentrer dans l’argent?
Est-ce que l’on doit payer 7% des participants? 10%? 15% oui encore 30%? Il y a plusieurs camps qui s’affrontent. Les regs qui estiment avoir un edge et que du coup c’est EV+ d’avoir seulement 7% des payés. Nous avons posé la question aux fans de la page JoueurDePoker.fr sur Facebook.
« Lu Do » s’interroge de l’impact sur le jeu à proprement dit : « 30% pour moi c’est trop. 15 voir 20% max c’est discutable, pas 30! La part du gâteau n’est plus suffisante à trop partager. Je ne comprends pas pourquoi passer de 10 direct à 30%, la différence serait énorme. Cela donne aussi, d’un point de vue personnel, une chance beaucoup plus grande à ceux qui sont très serrés d’être ITM alors que des joueurs un peu plus aventuriers seraient moins récompensés… et ainsi le poker serait encore un peu plus ouvert à la chance ainsi qu’aux serrures. Le poker ne s’arrête pas seulement à ça. »
- 44% des votants estiment qu’il faudrait payer entre 11 et 15% du field.
- 31% estiment qu’il serait plus juste de payer 16 à 20%
- 20% pensent que 10% ferait très bien l’affaire
- 3% trouvent que payer 21 à 30% ce serait vraiment bien
La majorité des joueurs estiment donc qu’il faudrait payer 11 à 15% des joueurs (44%) et plus de 75% des sondés sont pour une répartition entre 11 et 20%. Nous avons posé la question à Apostolos Chantzis qui organise notamment le circuit Texapoker, voici sa réponse : « Pour Texapoker, c’est 12% d’ITM, mais les premiers payés après la bulle doublent toujours leur mise initiale. »
Daniel Duthon, numéro 3 suisse au GPI, a une proposition aussi intéressante que pertinente qui pourrait satisfaire tout un chacun. « Personnellement, j’adapterais le % des payés au buy-in. Pour un buy-in de 4k et plus, je payerais 8-12% du field. 2k à 4k 12-15% d’ITM. Et moins de 2k 15-20%. Mais toujours au minimum 1,8 fois la mise pour les premiers payés. Les pros se battent pour gagner plus, alors cela est adapté je pense. Après le poker est une industrie et pour pérenniser celle-ci, le vivier de joueurs doit se maintenir alors : plus de payés, plus de joueurs qui rejoueront. »
Antoine Chauvet est favorable à payer plus large, mais pas à n’importe quel prix. « Payer plus large c’est une bonne idée en soi, mais si c’est pour multiplier les min-cash, c’est sans intérêt. »
Répartition des gains : paliers de paiement lissés contre l’énorme gain qui fait rêver
Reprenons l’exemple du Main Event de l’Italian Poker Open 22. Le 10e de ce tournoi, Massimiliano Bertolazzi, a remporté « seulement » €12’000, tandis que le vainqueur a remporté 25 fois plus (€310’000). L’écart est quand même gigantesque. Cependant, le 240e a triplé sa mise initiale (€1’550) et ça c’est plutôt exceptionnel.
Concernant le Main Event des WSOP 2016, le premier payé a touché 1,5 fois sa mise initiale, soit $15’000 pour un buy-in de $10’000. Alors bien sûr +5000$ ce n’est pas dégueulasse.
Regardons de plus près et comparons les deux structures de répartition des gains.
Main Event WSOP 2016
- Buy-in : $ 10’000
- Entrants : 6736
- Vainqueur : $ 8’005’310 (800x le BI)
- ITM : 1’011 (15%)
- Top 7,25% : 488e place pour $ 22’648 (2,2x le BI)
- Premier payé : $ 15’000
Main Event Italian Poker Open 22
- Buy-in : € 550
- Entrants : 3310
- Vainqueur : € 310’000 (600x le BI)
- ITM : 240 (7,25%)
- Top 7,25% : 240e place pour $ 1550 (3x le BI)
- Premier payé : $ 1550
Erdis Utd réagit sur Facebook : « Quand tu t’installes à une table de cash game, tu sais que maximum tu repartiras avec quelques buy-ins. Quotidiennement ça permet de gagner pas mal, mais ça ne fait pas rêver. Il n’y a qu’à voir le trafic cash game online pour comprendre. En tournoi par contre finir dans le top 3 c’est s’assurer de gagner beaucoup ! C’est plus difficile et ça arrive moins souvent, mais c’est ce qui fait rêver. C’est ce qui motive et procure des émotions. Le One time… Que les joueurs rejouent, fassent ITM pour regagner leur mise et que les première places soient moins payées, pour les rooms et les casinos c’est le bonheur, mais pour les joueurs… ».
Chez Texapoker, on propose une structure de répartition des gains avec des paliers de paiement qui sont lissés. Pourquoi? « Pour la simple raison qu’il faut payer les ITM équitablement et ne pas donner tout aux trois premiers, explique Apo. Les joueurs quand ils sautent, il faut qu’ils repartent du tournoi avec au moins ce qu’ils ont investit s’ils ont fait un re-entry. Plus les joueurs du milieu de tableau des ITM toucheront, plus ils seront prêts à revenir. Le problème se situe dans les frais annexes occasionnés. Ils doivent se retrouver dans leurs comptes. » Limpide.
Quand le flip est cher, les joueurs essaient de dealer à 3 ou 4 joueurs car les paliers sont très importants.
Apo Chantzis
En proposant des paliers lissés, Apo est convaincu que cela pousse les joueurs à jouer au lieu de dealer. « Les prix pour le 2e et 3e additionnés prennent beaucoup plus que le premier ce qui les poussent à jouer. Pas de deal. Mais quand le flip est cher, les joueurs essaient de dealer à 3 ou 4 joueurs car les paliers sont très importants. »
La situation demain
PokerStars vient d’annonce d’importants changements. L’EPT et autres événements que « PS » organisait ont vécu. Le géant du poker en ligne a annoncé en grande pompe l’organisation de sa nouvelle formule PokerStars Championship et PokerStars Festival à travers le monde dès 2017.
Les points clés seront les suivants :
- 12 à 15% d’ITM pour tous les tournois avec un droit d’entrée égal ou supérieur à €/$/£10,000. Rien de nouveau, c’était déjà comme ça l’an passé.
- 17 à 20% d’ITM sur les autres tournois, avec la volonté de plafonner à 20%.
- Pour les paiements élargis, le montant minimum assuré sera de 1,5 fois le droit d’entrée de l’événement.
Nicolas Gratepanche a testé cette nouvelle formule et est favorable à ces changements. « Ça a déjà changé sur certains events, PS l’avait fait sur les FPS, Barrière le fait sur les BPT, les autres suivent. Maintenant le payout tourne autour de 17 à 20 % sur les events. Certes les premiers gagnent moins, mais la répartition est plus équitable, les écarts sont moins importants. Il faudrait faire une comparaison entre deux éditions qui ont un field à peu près identiques. J’avais pris en exemple le FPS 2015 et 2016 à Lille. J’ai vu la différence (le nombre de place payés, les écarts entre les premiers au niveau du prize, etc… . Pour ma part, je suis pour ce changement. »
L’impact sur le jeu
Parmi les nombreux facteurs à prendre en compte, il y a en a un qui mérite la plus grande attention. L’impact sur le jeu. Il y a aura indéniablement des ajustements au niveau stratégique. Et si finalement les regs qui prônent un payout plus serré s’y retrouvaient avec un payout plus large? Les scared-money seront encore plus serrure en se disant qu’ils ont une plus grande chance d’entrer dans l’argent. Les regs agresseront les scared-money pour monter un stack. L’action en serait-elle diminuée? Ces questions restent ouvertes.
La proposition de joueurdepoker.fr
Pour ma part, je préconise de payer 15% du field avec des paliers lissés. Les premières places payées devraient être assurées de doubler leur mise initiale, à 10% les participants tripleraient leur mise.
Prenons l’exemple d’un tournoi au buy-in de € 1’000+100 auquel 1000 participants s’inscrivent. Le prizepool serait donc de € 1’000’000. Il y aurait 150 joueurs ITM.
#1 € 140’200
#2 € 96’000
#3 € 66’000
#4 € 48’000
#5 € 34’000
#6 € 25’000
#7 € 20’000
#8 € 16’000
#9 € 12’500
#10-12 € 10’000
#13-15 € 8’600
#16-20 € 7’500
#21-30 € 6’400
#31-40 € 5’600
#41-50 € 5’000
#51-60 € 4’500
#61-70 € 4’100
#71-80 € 3’700
#81-90 € 3’300
#91-100 € 3’000
#101-110 € 2’700
#111-120 € 2’400
#121-130 € 2’200
#131-150 € 2’000
Et vous?
Vous avez certainement votre opinion sur les structures de répartition des gains en tournoi. Avez-vous une proposition qui pourrait satisfaire le plus grand nombre? Avez-vous testé ces formules? Quel serait l’impact sur le jeu et les ajustements à faire au niveau stratégique? Faites-nous en part dans les commentaires de cet article.
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