Pierre-Yves Mathys est l’une des personnalités du poker en Romandie, la partie francophone de la Suisse. N’essayez pas de le piéger sur les règles du poker, vous n’y arriverez pas. Le Valaisan a la particularité d’être l’un des seuls Tournament Director en Suisse certifié par le TDA (Tournament Directors Association).
Mathys : « Entre joueurs de bonne foi, aucune règle aussi détaillée que celle du TDA n’est nécessaire! »
Qui est Pierre-Yves Mathys ?
Je suis un Valaisan de 53 ans, informaticien de formation. J’ai changé de voix après quelques 15 ans passées à développer des logiciels. Tour à tour DJ spécialisé latino, gérant de stations d’essence, puis commercial pour une grande régie suisse. J’ai toujours eu des activités annexes ayant une influence sur mes activités de Tournament Director : organisateur de tournois de Jass, arbitre de football, ceinture marron de karaté. Autant d’activités dont les influences sont visibles dans mes activités de Tournament Director. Marié à Naiyana, nous allons régulièrement participer à des tournois de poker au-delà de nos frontières.
Chacun a commencé le poker pour une certaine raison. Quelle était la tienne ?
Durant mes années de collège, influencé par Le Kid de Cincinnati, je me suis mis à apprendre ce jeu, le draw à l’époque. J’ai dévoré la rare littérature du moment (fin des années 70). Puis le hasard a voulu que j’ai dû reprendre un commerce qui proposait des soirées poker fin 2010. J’ai donc décidé d’apprendre les règles de cette variante dont je n’avais jamais entendu parlé: le Texas Hold’em Poker.
Pour moi, la gestion des WSOP représentait et représente probablement toujours le summum du jeu, donc les règles devaient être au top. En recherchant ce que faisaient les meilleurs, j’ai découvert le travail fait par le TDA.
[ Pierry-Yves Mathys ]
Tu as la particularité d’être le seul ou l’un des seuls Tournament Director certifié en Suisse… .
Afin de continuer à proposer une offre Texas hold’em je me suis mis en quête des règles qui géraient ce jeu à l’époque. Face aux différents règlements trouvés, j’ai essayé de rédiger les premiers compromis combinant ce qui me semblait le mieux dans chaque cas. Pour moi, la gestion des WSOP représentait et représente probablement toujours le summum du jeu, donc les règles devaient être au top.
En recherchant ce que faisaient les meilleurs, j’ai découvert le travail fait par le TDA. Je me suis mis à l’étudier en détail. Pouvoir avoir une telle base de référence me permettait de répondre à partir d’un document clair lorsque l’on me posait une question sur les règles, et non à partir de cas vus ici et là. Dans cet optique, j’ai vu qu’il est possible de passer un examen en ligne pour pouvoir, en cas de réussite, être certifié. Je me suis donc inscrit. A ma première tentative je fus totalement surpris de voir des questions sur des variantes dont je ne connaissais même pas l’existence (razz, etc…). J’ai donc échoué.
Je me suis remis au travail. Je l’ai réussi à ma seconde tentative. Etre dans cette liste n’ouvre pas de portes. Mais ça permet d’être écouté par les Tournament Director que ce soit en France, en Italie, ou en Belgique, lors des cas litigieux. De plus, cela m’a permis d’avoir un accès au Whatsapp de Matt Savage et de pouvoir obtenir dans l’heure une réponse qui ne souffre d’aucune contestation lors de cas très limites.
On va te poser quelques questions sur les règles, mais en préambule tu voulais mentionner quelque chose.
Effectivement. Chaque lieu a le droit de suivre ou non le TDA. Le TDA n’est pas la norme universelle, c’est seulement la norme la plus communément suivie. Elle est révisée chaque 2 ans à la suite des différentes remarques observées par les Tournament Director dans les tournois qu’ils ont dirigés. Mais donc chaque lieu a toute la liberté pour définir ses propres règles.
De toute façon, les règles ne sont là que pour trancher quelques cas. Généralement, ce sont plus des détails qui déclenchent des cris lorsque les ego des joueurs se rencontrent. Rarement l’issue d’une partie sera affectée par l’application de règles divergentes. Entre joueurs de bonne foi, aucune règle aussi détaillée que celle du TDA n’est nécessaire! Le bon sens permet quasiment toujours à chacun de savoir l’issue d’un coup, pour peu qu’il soit honnête envers lui-même et les autres. Un sourire accompagné d’un haussement de sourcil résout 90% des conflits sans même avoir besoin de préciser la règle écrite.
Les règles du poker et son application entre mythe et réalité.
Quelle est la règle la moins bien appliquée à table qui te hérisse le poil le plus souvent ?
En général, lorsqu’un tournoi déclare appliquer le TDA, il le fait correctement. Plus difficile à comprendre lorsqu’un tournoi annonce ne pas suivre le TDA sans préciser les divergences. Là, je me sens un peu dans le brouillard. Mais encore une fois, si je vais me retrouver à une table de gentleman il n’y aura aucun problème. Pour autant que le dealer ne fasse pas des siennes ! C’est bien souvent là que le bas blesse, lorsque le staff ne respecte pas les consignes du TDA. En particulier lorsque le dealer se met à parler avec des joueurs, à rire, ou à se faire plaisir en faisant le show en jouant avec les jetons ou avec les cartes.
On n’a pas le droit de parler dans une main. Mythe ou réalité ?
Coté TDA, tout joueur ayant une main vivante peut parler durant le coup. Par contre, personne ne peut dévoiler tout ou partie de sa main. Si le cas est avéré, le joueur ne verra jamais sa main foldée, mais subira une pénalité minimum d’un tour. En Italie, fait étonnant, tu ne peux parler que lorsque tu es en tête à tête ! Du point de vue du TDA, l’exception liée au head’s up est que tu ne peux dévoiler tout ou partie de ta main que lorsqu’il ne reste que deux joueurs… dans le tournoi (!), pas dans la main. Fait confirmé par Matt Savage en réponse à cette question après avoir vu l’usage à St Vincent.
Les lunettes et les capuches sont désormais interdits. Mythe ou réalité ?
Du point de vue TDA il n’y a rien qui parle de cela. Dans les mega tournois, les finalistes peuvent être priés de se plier aux exigences des médias couvrant l’event. Il est par exemple fréquent qu’en table finale, aucun appareil électronique ne soit toléré. Mais ceci est une règle hors TDA.
On avance une pile de jeton sur la table. On n’en dépose que la moitié pour miser et on reprend l’autre moitié. Toute la pile est engagée. Mythe ou réalité ?
C’est un point de discussion au sein du TDA. La règle 37 du TDA laisse en effet planer le doute qui sera probablement levé lors d’une prochaine révision. La règle dit que « les jetons poussés » sont pris en compte. Certains vont définir que pousser correspond à tous les jetons mis en mouvement. D’autres diront que ce sont les jetons posés sur le tapis. Ceci est un des points qu’il convient de clarifier avec le Tournament Director lors de chaque tournoi. La seule chose qui est sûre est qu’il n’y a plus de ligne déterminant la mise ou non. Toute ligne étant définie comme une « ligne de courtoisie ».
On a le droit de relancer du montant de la relance. C’est à dire sur blindes 100-200, un joueur ouvre 500, le suivant a le droit de relancer à 800. On entend parfois que ce n’est pas possible et qu’il faut doubler la relance. Qu’est-ce qui est correct ?
Pour le TDA la règle de la relance est on ne peut plus claire. Lorsque l’on doit parler, la relance minimum est la mise à laquelle on fait face, augmentée du plus grand montant entre la dernière augmentation ou la big blind. La relance du double n’est pas une règle du TDA. Dans ton exemple, aux blinds 100-200 le joueur ayant fait 500 a introduit une augmentation de 300. C’est supérieurs aux 200 de big blind, donc le mini-raise est de 800.
Un exemple plus intéressant est de dire aux blinds 100-200, utg mise 500, utg+1 raise All-In 750, utg+2 annonce ‘raise’ et pose un jeton unique de 1000, utg+3 fait de même en annonçant ‘raise’ et pose un jeton de 100. Quel est le montant que les joueurs doivent mettre ?
Réponse: Pour utg+2, le plus grand entre la big blind et la dernière augmentation est 300, car le all-in à 750 est une augmentation de 250 seulement. La mise à laquelle il fait face est de 750. Donc, son raise est au minimum de 750+300=1050, et utg+3 doit donc mettre 1050+300=1350 !
Quelle est la personnalité du poker qui t’a le plus impressionné ces dernières années ?
Il y en a deux : Juan Juanda et Sam Trickett.
Vous avez rencontré une situation compliquée lors d’un tournoi ? Un Tournament Director a pris une décision et vous avez comme un doute ? N’hésitez pas à en faire part dans les commentaires de cet article. Un grand merci à « PYM » pour sa disponibilité et de partager un peu de son savoir sur les règles du poker.