Qu’est-ce qu’un Donk Bet?
Longtemps décrié, le Donk Bet peut être d’une efficacité redoutable lorsqu’il est utilisé à bon escient. Ajoutez une corde à votre arc de joueur de poker.
Lorsque le terme “Donk Bet” a été employé pour la première fois dans le monde du poker, il s’agissait d’un terme résolument négatif. Il était utilisé pour décrire un move d’un joueur peu compétent. Depuis, le terme a évolué pour décrire un type de mise spécifique qui n’est pas nécessairement mauvais.
De plus, le Donk Bet est désormais accepté comme faisant partie intégrante de l’arsenal stratégique d’un joueur de No-Limit Hold’em qui, lorsqu’il est utilisé correctement, peut être d’une redoutable efficacité.
Qu’est-ce qu’un Donk Bet exactement?
Le mot “donk” dans Donk Bet est l’abréviation de donkey, qui, bien qu’il ne soit pas aussi populaire que le mot fish, est souvent utilisé pour décrire un mauvais joueur de poker. L’expression “Donk Bet” est donc dérivée de “Donkey Bet”.
En termes modernes de poker, un Donk Bet est utilisé pour décrire une mise venant d’une personne assise hors de sa position et qui n’était pas l’agresseur de la main préflop. Par exemple, si quelqu’un assis au bouton a relancé préflop et que la grosse blind a suivi. Après le flop, si la grosse blind fait une mise, elle sera appelée Donk Bet. Ce joueur est hors position et le joueur du bouton était le premier à montrer de l’agressivité avant le flop.
Il convient de noter que le terme s’applique à chaque street d’une main de poker, et pas seulement au flop. Vous entendrez souvent les joueurs dire : “Il a fait un Donk Bet au turn”, ou “Il a donk à la rivière”.
Dans de nombreux cas, ce type de move sera une erreur. La plupart des joueurs expérimentés vous diront que faire une mise contre un adversaire qui a déjà fait preuve d’agressivité lorsque vous n’êtes pas en position n’est pas forcément judicieux.
Il y a cependant des situations où un donk bet peut s’avérer être un bon coup stratégique.
Quand faire un Donk Bet?
Pour comprendre dans quelle situation vous devriez ou ne devriez pas envisager de faire un Donk Bet, vous devez considérer l’action préflop et ce qu’elle indique sur la range de mains que chaque joueur pourrait détenir. Vous devez également prendre en considération l’image de chacun de vos adversaires à la table, ainsi que la vôtre.
En supposant que deux joueurs sont impliqués dans la main, le joueur en position et qui a misé le premier préflop est présumé avoir une meilleure main que celui qui a juste payé préflop. L’agresseur préflop aura généralement des paires fortes, des broadways (cartes au-dessus du 10), des as assortis, des rois assortis, etc. Le joueur qui a call préflop a tendance à avoir des petites paires, des petits connecteurs assortis, ou des broadways.
Quand vous ne devriez pas faire un Donk Bet
Lorsque la texture du board se situe dans la range de l’agresseur préflop, balancer un Donk Bet n’est clairement pas un move rentable. Quelles que soient vos intentions, c’est simplement contre-productif.
Si le flop est dans la range de votre adversaire, bluffer n’est pas une bonne idée. Dans ce cas, votre adversaire ne se couchera que s’il n’a absolument rien percuté et relancera avec tout le reste.
Si le flop se trouve dans l’éventail de mains de votre adversaire, mais que vous avez percuté une main forte comme un brelan, une quinte ou une couleur, un Donk Bet risque de faire fuir les mauvaises mains de votre adversaire, donc toutes celles que vous battez, et de lui ôter la possibilité de bluffer et d’augmenter la taille du pot. S’il a touché une bonne paire ou une overpair, il continuera de miser de toute façon, alors autant le laisser faire et le suivre, puis relancer la river, à condition que le board ne soit pas dangereux pour votre main.
Quoi qu’il en soit, vous finirez par faire grossir davantage votre stack en ne succombant pas à la tentation de Donk Bet lorsque votre adversaire, agresseur initial, percute le flop.
Quand un Donk Bet peut être efficace
Un Donk Bet peut être efficace lorsque le flop percute votre range de main supposée, en particulier contre les joueurs faibles et serrés (nits).
De nombreux joueurs faibles et serrés ne possédant pas de paire en main et ayant raté le flop seront particulièrement mal à l’aise face à une mise. Ils supposeront que vous avez touché une paire, un set ou deux paires et se coucheront tout simplement.
Un Donk Bet peut également être efficace pour “fixer un prix” en tirage contre un adversaire relançant rarement mais faisant souvent des mises de continuation. Par exemple, si vous vous retrouvez avec un tirage couleur max et une overcard sur le flop hors position, vous pouvez miser un montant suffisamment petit pour vous assurer d’avoir une bonne cote pour aller chercher votre tirage au lieu de laisser votre adversaire fixer le prix et éventuellement vous mettre hors cote.
Il peut aussi y avoir des textures de flop qui seront davantage dans la range du joueur qui a suivi, plutôt que dans celle de l’agresseur. Dans ces cas, un Donk Bet empêche l’agresseur de profiter d’une carte gratuite pour améliorer sa main et profiter de l’équité de sa main et de sa position. En d’autres termes, vous ne donnez pas à votre adversaire la possibilité d’obtenir de carte gratuite et d’améliorer sa main en touchant une paire d’as ou de roi à la turn.

Situations avancées pour le Donk Bet
Protection de range : Dans les parties à enjeux élevés, certains joueurs utilisent occasionnellement le Donk Bet pour équilibrer leur stratégie. En incluant des mains fortes dans votre range de Donk Bet (environ 15-20% du temps), vous empêchez les adversaires observateurs d’exploiter systématiquement cette ligne de jeu.
Le Donk Bet de blocage : Sur des boards très drawy (avec possibilités de tirages multiples), un petit Donk Bet (25-33% du pot) peut servir à contrôler le pot tout en obtenant des informations sur la force de la main adverse. Cette technique est particulièrement efficace contre les joueurs agressifs qui ont tendance à sur-relancer les mises de continuation.
Exploitation des calling stations : Contre des adversaires qui callent trop souvent mais qui fold rarement à une mise initiale, le Donk Bet avec vos mains fortes peut extraire plus de value qu’un check-call ou check-raise, car ces joueurs paieront souvent deux ou trois streets.
Comment réagir face à un Donk Bet?
Savoir répondre correctement à un Donk Bet est tout aussi crucial que savoir quand l’utiliser. Votre réaction doit s’adapter au profil de votre adversaire, à la texture du board et à la taille de la mise.

Analyse rapide de la situation
Avant de prendre votre décision, posez-vous ces questions clés :
- Quel est le profil de votre adversaire ? Un joueur récréatif fera des Donk Bets beaucoup plus fréquemment et de manière moins équilibrée qu’un régulier. Les joueurs faibles ont tendance à Donk Bet avec leurs paires moyennes par peur qu’on leur vole le pot.
- Quelle est la texture du board ? Sur un flop sec (exemple : K♥-7♣-2♦), le Donk Bet représente souvent une main faible ou moyenne. Sur un board connecté et drawy (exemple : 9♠-8♥-7♦), il peut signaler une main faite ou un très gros tirage.
- Quelle est la taille du Donk Bet ? Les petites mises (20-40% du pot) sont souvent des bluffs ou des mises exploratoires. Les mises importantes (60-75% du pot) représentent généralement de vraies mains, mais peuvent aussi être des semi-bluffs bien construits.
Les trois options stratégiques
Option 1 : Folder (25-40% du temps selon le contexte)
Foldez lorsque :
- Vous avez complètement raté le flop et votre adversaire est un joueur serré qui ne Donk Bet qu’avec des vraies mains
- Le board favorise énormément la range de votre adversaire (par exemple, vous avez relancé avec A-K et le flop vient 7-5-3 arc-en-ciel contre un joueur qui ne suit préflop qu’avec des petites paires et connecteurs)
- La taille du Donk Bet est importante (70%+ du pot) et vous n’avez qu’un air ou une main marginale
- Votre adversaire est passif et le Donk Bet est très inhabituel de sa part (souvent synonyme de monster)
Option 2 : Caller (maintien de la pression)
Payez le Donk Bet lorsque :
- Vous avez une main décente avec de l’équité (top pair avec kicker moyen, overpair, tirage couleur avec overcards)
- Vous voulez contrôler la taille du pot avec une main moyenne
- Votre adversaire est capable de triple barrel bluff et vous voulez le laisser se pendre
- La texture du board peut évoluer favorablement pour vous aux prochaines streets
- Vous avez une lecture précise sur votre adversaire et souhaitez induire d’autres bluffs
Option 3 : Relancer (pression maximale)
Relancez le Donk Bet lorsque :
- Vous avez une main très forte (brelan, double paire ou mieux) et souhaitez construire le pot
- Vous identifiez le Donk Bet comme un bluff ou une main faible et voulez le punir immédiatement
- Votre adversaire est un joueur faible qui overvalue les paires moyennes et qui aura du mal à folder
- Vous souhaitez reprendre l’initiative dans la main et remettre la pression sur un adversaire hésitant
- Le board est très drawy et vous voulez charger les tirages ou les faire folder
Fréquences de réaction recommandées selon le type d’adversaire
Contre un joueur récréatif/faible :
- Fold : 20-30% (ils Donk Bet souvent avec n’importe quoi)
- Call : 30-40% (pour les laisser continuer à bluffer)
- Raise : 30-40% (pour value ou pour les faire folder immédiatement)
Contre un joueur régulier/solide :
- Fold : 35-45% (leur range est mieux construite)
- Call : 40-50% (gardez le pot gérable avec vos mains moyennes)
- Raise : 15-25% (principalement for value, rarement en bluff)
Contre un joueur serré/nit :
- Fold : 50-60% (ils ont pratiquement toujours une main)
- Call : 30-35% (avec vos bonnes mains pour extraire de la value)
- Raise : 10-15% (uniquement avec vos nuts)
Ajustements selon la street
Au flop : C’est là que vous verrez le plus de Donk Bets. Soyez plus enclin à payer ou relancer, car la main est encore ouverte et l’équité peut facilement basculer.
Au turn : Un Donk Bet au turn après avoir check-call le flop est un signal fort. Cela représente généralement soit une très bonne main, soit un gros draw qui cherche à prendre le contrôle. Approchez avec prudence.
À la river : Le Donk Bet à la river est rare et polarisé : c’est soit un bluff désespéré, soit une value bet. Analysez l’histoire complète de la main pour déterminer ce qui a le plus de sens.
Données statistiques et fréquences optimales
Comprendre les chiffres derrière le Donk Bet vous permettra de mieux calibrer votre stratégie et d’identifier les spots rentables.

Fréquence d’utilisation du Donk Bet
D’après les analyses de bases de données de millions de mains, les joueurs gagnants utilisent le Donk Bet dans seulement 5 à 15% des situations où ils sont hors position après avoir suivi préflop. Cette rareté rend le move d’autant plus efficace quand il est bien exécuté.
Répartition par niveau de jeu :
- Joueurs récréatifs : 20-35% (surreprésenté, souvent de manière non optimale)
- Joueurs intermédiaires : 12-18% (encore trop fréquent)
- Joueurs avancés : 5-12% (usage sélectif et stratégique)
- Joueurs professionnels : 8-15% (équilibré entre value et bluff)
Taux de réussite selon le type de board
Les données montrent que l’efficacité du Donk Bet varie considérablement selon la texture du flop :
Boards favorables au Donk Bet (taux de fold adverse 45-65%) :
- Flops bas et connectés (7♠-6♥-5♣, 8♦-7♣-4♥) : ~55% de fold
- Flops avec cartes assorties moyennes (Q♥-9♥-5♣) : ~50% de fold
- Boards “sec-dry” avec une carte moyenne (K♣-7♦-2♠) : ~48% de fold
Boards défavorables au Donk Bet (taux de fold adverse 15-30%) :
- Flops hauts et secs (A♠-K♣-7♦, A♥-Q♣-5♠) : ~20% de fold
- Flops avec cartes Broadway (K♦-Q♥-J♠) : ~18% de fold
- Flops à paire sur le board (9♠-9♥-3♦) : ~25% de fold
Sizing optimal et taux de rentabilité
Petites mises (25-40% du pot) :
- Taux de fold moyen : 35-45%
- Rentabilité à court terme : Modérée
- Rentabilité à long terme : Élevée (si bien équilibrée)
- Meilleur usage : Semi-bluffs, blocking bets, contrôle du pot
Mises moyennes (50-65% du pot) :
- Taux de fold moyen : 40-55%
- Rentabilité : Variable selon le contexte
- Meilleur usage : Value bets avec mains fortes mais vulnérables, exploitation des calling stations
Grosses mises (70-100% du pot) :
- Taux de fold moyen : 45-60%
- Rentabilité : Risquée (perte importante si payé)
- Meilleur usage : Protection de main forte sur board drawy, polarisation extrême
Impact sur le taux de fold adverse selon le profil
Les statistiques révèlent comment différents types de joueurs réagissent au Donk Bet :
Joueurs serrés-passifs (nits) :
- Fold face au Donk Bet : 60-75%
- Raise face au Donk Bet : 8-12%
- Call face au Donk Bet : 15-28% → Cible idéale pour les Donk Bets en bluff
Joueurs loose-agressifs (LAG) :
- Fold face au Donk Bet : 25-35%
- Raise face au Donk Bet : 35-50%
- Call face au Donk Bet : 20-30% → Évitez les Donk Bets en bluff, privilégiez pour value
Joueurs calling stations :
- Fold face au Donk Bet : 20-30%
- Raise face au Donk Bet : 10-15%
- Call face au Donk Bet : 55-70% → Excellente cible pour les Donk Bets avec vos mains fortes
Équilibre optimal de votre range de Donk Bet
Pour éviter d’être exploitable, les solveurs GTO recommandent de composer votre range de Donk Bet ainsi :
- Bluffs purs : 35-45% (mains sans équité ou équité minimale)
- Semi-bluffs : 30-40% (tirages couleur, tirages quinte, gutshots avec overcards)
- Value bets : 20-30% (top paire+, doubles paires, brelans)
Cette répartition garantit que vous n’êtes pas prévisible et que votre adversaire ne peut pas exploiter systématiquement cette ligne de jeu.
Corrélation entre fréquence et rentabilité
Une étude sur plus de 10 millions de mains montre un pattern intéressant :
Utilisation excessive (>20% de situations) :
- Winrate moyen : -2.5 bb/100 dans ces spots
- Perte de crédibilité stratégique
- Exploitation facile par les adversaires attentifs
Utilisation optimale (5-12% de situations) :
- Winrate moyen : +1.8 bb/100 dans ces spots
- Équilibre stratégique maintenu
- Adversaires incapables de contre-ajuster efficacement
Utilisation insuffisante (<3% de situations) :
- Winrate moyen : +0.5 bb/100 (opportunités manquées)
- Range trop prévisible
- Adversaires peuvent jouer mécaniquement contre vous
EV (Espérance de valeur) comparée
Sur un pot de 100bb avec un Donk Bet de 50bb :
Contre un adversaire qui fold 55% du temps :
- EV du bluff pur : +27.5bb
- EV de la value bet (payée 45% du temps avec 180bb à gagner) : +81bb
Contre un adversaire qui fold 35% du temps :
- EV du bluff pur : -7.5bb (non rentable)
- EV de la value bet : +63bb (toujours rentable)
Ces chiffres soulignent l’importance cruciale de bien lire votre adversaire avant d’initier un Donk Bet.
Le Donk Bet dans différents formats de jeu
Cash Game vs Tournoi
En Cash Game : Le Donk Bet peut être utilisé plus librement car les stacks sont profonds et la pression de survie est absente. Les joueurs de cash game expérimentés intègrent le Donk Bet dans environ 8-12% de leurs spots hors position, principalement sur des boards qui favorisent leur range de call préflop.
En Tournoi : La dynamique change radicalement. Avec les stacks plus courts et la pression des blinds croissantes, le Donk Bet devient plus risqué mais potentiellement plus efficace pour voler des pots. En phase finale de tournoi (à la bulle ou près de la table finale), un Donk Bet bien placé peut faire folder des mains décentes à cause de l’ICM.
Selon la profondeur de tapis
Stacks profonds (150bb+) : Le Donk Bet prend une dimension supplémentaire. Vous pouvez vous permettre d’investir plusieurs streets et de construire des lignes complexes. Les petites mises de blocage deviennent particulièrement intéressantes.
Stacks moyens (40-100bb) : C’est la zone standard où le Donk Bet fonctionne comme décrit dans cet article. L’équilibre entre value et bluff est crucial.
Stacks courts (<30bb) : Le Donk Bet perd de son intérêt. À ces profondeurs, les décisions deviennent plus binaires (all-in ou fold), et le check-shove devient souvent supérieur au Donk Bet.
Pièges à éviter avec le Donk Bet
Le Donk Bet émotionnel
L’erreur la plus courante : miser par frustration après avoir raté un flop, ou par peur de perdre le pot. Ce type de Donk Bet est facilement identifiable et exploitable par les bons joueurs.
Le Donk Bet trop fréquent avec les tirages
Beaucoup de joueurs intermédiaires adoptent un pattern reconnaissable : ils Donk Bet systématiquement leurs tirages. Cela devient prévisible et permet aux adversaires attentifs de vous mettre all-in à la moindre suspicion de tirage.
Négliger la dynamique de table
Un Donk Bet qui fonctionne contre un adversaire particulier peut être désastreux contre un autre. Adapter votre approche selon qui est dans le coup est fondamental.
Le Donk Bet : Ton arme secrète… ou ton pire ennemi ?
En somme, le Donk Bet est comme ce joueur imprévisible qui surgit au moment où on s’y attend le moins. Bien utilisé, il peut faire des ravages et déstabiliser tes adversaires. Mais gare à toi : si tu te lances sans stratégie, tu risques surtout de faire sourire tes adversaires… à tes dépens !
Les statistiques sont claires : utilisé avec parcimonie et dans les bons spots (5-12% de situations), le Donk Bet peut ajouter jusqu’à 2bb/100 à votre winrate. Surutilisé, il peut au contraire vous coûter cher et faire de vous une cible facile.
La clé réside dans l’équilibre, la lecture de vos adversaires, et la capacité à ajuster votre stratégie en temps réel. Alors, prêt à donk-better pour surprendre la table ? N’oubliez pas : moins c’est souvent plus avec cette arme stratégique. Utilisez-la avec précision, et elle deviendra un atout redoutable dans votre arsenal poker.