
Des organisateurs de tournois de poker en Suisse se mobilisent pour combattre le nouveau projet de loi qu’ils estiment contre-productif. Charly Mauron, fondateur de fripoker aux côtés de Alexandre Bourguet, fait le point. Une pétition est lancée.
Quand les autorités infligent un bad beat
Salut Charly. Peux-tu te présenter et expliquer ton expérience notamment en temps qu’organisateur de tournois au sein de fripoker?
Hello, dans la vraie vie je suis ingénieur et j’ai 2 grandes filles de 17 et 20 ans.
Avec fripoker, nous nous sommes lancés en 2008. C’était le premier tournoi légal en Romandie à la Gérine à Marly (Fribourg, Suisse) et nous avons cartonné. Les inscriptions se sont remplies en 8 minutes (60 joueurs à CHF 50.-).
Ensuite, nous avons toujours fait le plein (100 joueurs) en proposant deux tournois en parallèle (CHF 50.- et CHF 100.-) un dimanche sur deux. Nous avons donc décidé d’augmenter la cadence et nous avons trouvé un arrangement au Magic Billard à Villars-sur Glâne. Au moment de l’interdiction en 2010, nous étions ouverts 6 jours sur 7.
La grande majorité de nos joueurs jouaient CHF 50.- ou CHF 100.-. On organisait 4 fois par années des events à 300.- qui ont accueilli jusqu’à 300 joueurs qui venaient de toute la Suisse.
Quelle est la situation actuelle du poker en Suisse et depuis quand la situation est-elle ainsi?
fripoker s’est arrêté net du jour au lendemain en juin 2010 à cause de la décision du Tribunal Administratif Fédéral de donner raison aux casinotiers.
Depuis, le poker a fait son chemin à Berne et la nouvelle loi a enfin été acceptée en référendum en juin 2019. Malheureusement, les cantons doivent adapter leur loi et ils ont jusqu’au 1er janvier 2021 pour le faire.
Est-ce qu’on peut jouer au poker en ligne en Suisse?
Depuis l’acceptation de la loi fédérale, il n’est plus possible de jouer en ligne car les licences doivent passer par un casino suisse. La situation devrait prochainement se décanter, à moins que les soucis liés au coronavirus ne freinent encore le processus.
Un projet de loi EV-
Venons-en au fait de cet entretien. Quel est le projet de la nouvelle loi?
Les six cantons romands ont décidé d’appliquer la même loi. Ils auraient pu simplement appliquer la loi fédérale qui se suffisait à elle-même. Le canton de Berne l’a fait.
Malheureusement ils ont décidé d’ajouter des contraintes supplémentaires comme la vidéosurveillance, l’obligation d’avoir des croupiers à chaque table, le fichage des joueurs et des contraintes administratives et des émoluments (CHF 1000.- par semestre).
À ton avis, pourquoi les autorités désirent-elles imposer un croupier?
Comme pour les caméras de surveillance, j’imagine qu’ils estiment augmenter la sécurité pour les joueurs.
Le rake passerait à CHF 30.-. C’est acceptable pour les tournoi à partir de CHF 150.-. C’est impensable pour les tournois à bas prix. Ce sera la mort des tournois à bas prix, à part en turbo.
Charly Mauron, fripoker
En quoi est-ce problématique?
C’est le coût de cette contrainte. Nous avons calculé que pour un tournoi en structure lente (30’000 jetons, 30 minutes), le rake passerait à CHF 30.-. C’est acceptable pour les tournoi à partir de CHF 150.-. C’est impensable pour les tournois à bas prix. Personne ne jouera de tournoi à CHF 50.- (CHF 20.- + CHF 30.-) ou même à CHF 100.- (CHF 70.- + CHF 30.-). Ce sera la mort des tournois à bas prix, à part en turbo.
Les joueurs qui voudront jouer de belles structures devront débourser CHF 150.- minimum. L’offre existe d’ailleurs à Divonne. On créera de nouveaux pseudo-casinos et non des clubs de poker pour les joueurs qui ont un petit budget ou qui voient ce jeu comme un hobby pour lequel ils sont prêts à jouer CHF 50.- quelques fois par mois.
Le bluff catcher des organisateurs
Comment la résistance s’organise?
Nous avons participé à la consultation sur Fribourg. Elle vient de se terminer. Chaque canton fait les choses différemment. Sur Vaud, Valais et Genève, la consultation n’est pas encore ouverte. Je n’ai pas eu de réponse de Neuchâtel et le Jura ne semble pas vouloir organiser une consultation.
Nous essayons de convaincre tous les organisateurs de participer à cette consultation. C’est un droit en Suisse. Chaque joueur peut aussi écrire à sa chancellerie pour donner son avis.
Nous avons lancé une pétition intercantonale. Nous savons la portée limitée des pétitions, mais nous voulons atteindre toutes les chancelleries romandes afin que le problème leur soit exposé.
Que réclamez-vous?
Même si nous pensons que toutes les contraintes ne sont pas nécessaires, nous pensons que l’obligation des croupiers est la pire. Nous avons décidé de cibler ce point, car nous pensons que nous avons plus de chance de réussir que si nous attaquions tout de front.
Nous espérons que cette contrainte sera levée ou au moins limitée aux tournois au-dessus de CHF 150.-.
Comment peut-on concrètement soutenir votre action?
En signant la pétition en ligne. Vous pouvez le faire anonymement.
En la partageant sur facebook et en la relayant dans vos cercles. Même les non-joueurs peuvent le faire. Nous pensons logiquement que plus nous aurons de signatures, plus nous aurons de poids.
Vous pouvez également écrire à vos chancelleries respectives. Plus il y aura de joueurs qui écriront, plus l’effet sera fort. Un mail suffit qui explique que vous êtes un joueur de poker et que l’avant-projet sur la nouvelle loi sur les jeux d’argent veut imposer un croupier à chaque table. Cette contrainte tuera les petits tournois en-dessous de 150.- car la part de frais sera trop grande pour qu’un tournoi soit intéressant.
Le but de cette loi était justement de permettre aux joueurs de jouer de petits montants. Ce ne sera pas le cas.
Coordonnées des chancelleries:
Genève: legislation@etat.ge.ch
Vaud: info.chancellerie@vd.ch
Valais: chancellerie-accueil@admin.vs.ch
Fribourg: dsj@fr.ch
Jura: secr.see@jura.ch
Neuchâtel: www.ne.ch/autorites/CHAN/Pages/Contact.aspx (formulaire de contact)